Le dimanche qui suivit, différents signes annoncèrent que quelque chose allait se produire.
Ce fut déjà et cela dès l’aube une chaleur oppressante, sans brise aucune. L’air semblait s’être solidifié autour de l’île, dans une transparence compacte et gélatineuse qui déformait ça et là l’horizon quand il ne l’effaçait pas : l’île flottait au milieu de nulle part. Le Brau luisait de reflets de meringue. Les laves noires à nu en haut des vignes et des vergers frémissaient comme si soudain elles redevenaient liquides. Les maisons très vite se trouvèrent gorgées d’une haleine éreintante qui épuisa les corps comme les esprits.
On ne pouvait y jouir d’aucune fraîcheur.
Puis il y eut une odeur, presque imperceptible au début, à propos de laquelle on aurait pu se dire qu’on l’avait rêvée, ou qu’elle émanait des êtres, de leur peau, de leur bouche, de leurs vêtements ou de leurs intérieurs. Mais d’heure en heure l’odeur s’affirma. Elle s’installa d’une façon discrète, pour tout dire clandestine.
Éditeur original : Stock
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Critiques
- Dans un style qui s’apparente à la fable, soutenu par une dramaturgie implacable, Philippe Claudel nous livre un roman choral dans la veine des « Âmes grises », aussi féroce qu’édifiant. Il y a du Shakespeare là-dedans !
Madame Figaro n° 20180413, Valérie Gans, 13 avril 2018 - C’est glaçant et l’on retrouve, ici, la plume si dense et parfois très noire de Philippe Claudel.
Causette n° 87, Sarah Gandillot, mars 2018 - Philippe Claudel livre, avec L’Archipel du chien, une fable universelle […] Le récit et le style jouent volontairement la carte de la simplicité […] pour mieux se craqueler au fil des pages et, in fine, nous mettre face à nos petitesses, nos lâchetés et notre honte.
Lire n° 473, Baptiste Liger, mars 2018 - Pour évoquer la tragédie des migrants et le tranchant de la lame séparant les bons des salauds, Philippe Claudel use du ton affûté d’une parabole, tendue, sans issue, brûlante.
Elle n° 3769, Olivia de Lamberterie, 16 mars 2018 - Sur fond de drame des migrants, avec ce roman âpre et intrigant, envoûtant et mystérieux […] plume trempée dans l’acide, délivre une fable oppressante sur la condition humaine ainsi qu’une parabole sur la chute.
La Croix, Jean-Claude Raspiengeas, 5 avril 2018
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