Littérature

Gilles Jobidon, Le Tranquille affligé

Gilles Jobidon, Le Tranquille affligé

1858-1860. Alors que la vapeur rend les bateaux à voile et les chevaux folkloriques, au moment où le télégraphe relie l’Europe à l’Amérique, la Chine est paralysée par la dictature, la superstition et l’opium importé illégalement des colonies britanniques. Un jésuite défroqué, Jacques Trévier, doit ramener d’une île de la mer d’Oman un maître artisan de noir qui pourra soi-disant éliminer tous les maux qui gangrènent la Chine. Il y rencontrera l’amour de sa vie sous les traits d’une femme albinos belle comme une apparition. Croyant pouvoir écouler une vie tranquille après avoir répondu au désir du teinturier impérial de percer le mystère des somptueux noirs de l’île de Baël, Jacques Trévier perdra la femme qu’il aime des mains de l’empereur qui en fait sa « Concubine d’ivoire ».

À travers beaucoup d’invention et quelques fait historiques réels – le sac du Palais d’été le 18 octobre 1860, la guerre de l’opium, etc. –, ce roman nous met en présence de réalités très contemporaines : l’appropriation intempestive des ressources naturelles, les trafics illégaux, l’espionnage industriel, qui minent l’équilibre social et environnemental des nations en jeu : en somme, un siècle et demi plus tôt, les contrecoups vicieux de la globalisation des échanges à travers l’incompréhension et le non-respect des valeurs de l’autre. Voilà qui rappelle singulièrement notre époque, marquée par les replis identitaires, la valse à deux temps entre le libre marché et le protectionnisme à travers l’exploitation des peuples plus fragiles.

Impressionniste et imagée, finement ciselée, l’écriture de Gilles Jobidon amène cette histoire d’un autre temps dans le nôtre avec une habileté assurée, celle d’un romancier de très belle maturité.

Éditeur original : Leméac

Critiques

  • Gilles Jobidon poursuit à sa manière exigeante une œuvre à la musicalité forte qui n’hésite jamais à emprunter sa propre voie. […] Et tout comme la courbe que le romancier peut faire subir à la réalité rectiligne de l’Histoire, la langue est elle aussi une façon d’assouplir le réel. La tonalité en demi-teintes du Tranquille affligé, imprégné aussi de fantaisie et de saillies d’humour, y contribue.
    Le Devoir, Christian Desmeules, 18 août 2018

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