Littérature

Edna O’Brien, Girl

Edna O'Brien, Girl

Le nouveau roman d’Edna O’Brien laisse pantois. S’inspirant de l’histoire des lycéennes enlevées par Boko Haram en 2014, l’auteure irlandaise se glisse dans la peau d’une adolescente nigériane. Depuis l’irruption d’hommes en armes dans l’enceinte de l’école, on vit avec elle, comme en apnée, le rapt, la traversée de la jungle en camion, l’arrivée dans le camp, les mauvais traitements, et son mariage forcé à un djihadiste – avec pour corollaires le désarroi, la faim, la solitude et la terreur.
Le plus difficile commence pourtant quand la protagoniste de ce monologue halluciné parvient à s’évader, avec l’enfant qu’elle a eue en captivité. Celle qui, à sa toute petite fille, fera un soir dans la forêt un aveu déchirant – « Je ne suis pas assez grande pour être ta mère » – finira bien, après des jours de marche, par retrouver les siens. Et comprendre que rien ne sera jamais plus comme avant : dans leur regard, elle est devenue une « femme du bush », coupable d’avoir souillé le sang de la communauté.
Girl bouleverse par son rythme et sa fureur à dire, à son extrême, le destin des femmes bafouées. Dans son obstination à s’en sortir et son inaltérable foi en la vie face à l’horreur, l’héroïne de ce roman magistral s’inscrit dans la lignée des figures féminines nourries par l’expérience de la jeune Edna O’Brien, mise au ban de son pays pour délit de liberté alors qu’elle avait à peine trente ans.

Soixante ans plus tard, celle qui est devenue l’un des plus grands écrivains de ce siècle nous offre un livre d’une sombre splendeur avec, malgré tout, au bout du tunnel, la tendresse et la beauté pour viatiques.

Éditeur original : Sabine Wespieser

Critiques

  • Girl est le monologue terrible d’une adolescente qui se sent comme du bétail dans un enclos et doit affronter la violence. Plus acérée que jamais, la grande Edna O’Brien apporte une nouvelle pièce majeure à une œuvre qui l’est tout autant.
    Les Échos Week-end n° 23017, Alexandre Fillon, 23 août 2019
  • Porté par une figure inoubliable, par une puissance d’évocation se confrontant aux limites du dicible, le récit nous entraîne dans un voyage au cœur des ténèbres […]. Un roman dont on ressort cabossé mais pas sans voix, qui incite à résister pour toutes nos filles, quelles que soient leur nationalité, leurs coutumes, leurs croyances, leur couleur de peau.
    Le Journal du Dimanche n° 3788, Laëtitia Favro, 18 août 2019
  • On connaît peu d’auteurs ayant effectué à trois reprises des variantes autour d’un même titre […]. On est proprement estomaqué par la capacité qu’a Edna O’Brien à se renouveler tout en restant fidèle à elle-même, à écrire un roman à la fois d’apparence si différent des autres et si profondément pareil à eux. Son Afrique sonne juste, aussi authentique que l’Irlande qu’elle a si souvent décrite.
    Le Figaro n° 23351, Christophe Mercier, 12 septembre 2019
  • Un récit suffoquant […]. Edna O’Brien se révèle toujours aussi acharnée à témoigner des interdits, des injustices et des violences dont sont victimes les femmes.
    La Croix n° 41505, Laurence Péan, 12 septembre 2019
  • Impossible de lâcher ce récit halluciné d’une survivante. Nulle morale, nul apitoiement sous la plume somptueuse d’Edna O’Brien. Juste l’enchaînement brut des faits qui donne à ce récit furieux, tendu comme un jet de pierre, la puissance et l’universalité du mythe.
    Le Monde n° 23226, Florence Noiville, 13 septembre 2019
  • Mais si le réalisme obsédant de son style fait merveille dans la description des campements djihadistes comme autrefois dans celle des villes irlandaises, « Girl » emprunte aussi aux grands récits mythiques de l’Antiquité, où le héros semble devoir affronter, seul, tous les dieux ligués contre lui.
    L’Obs, Didier Jacob, 19 septembre 2019
  • La lecture de « Girl » est une marche chancelante au bord d’un précipice, agitée par deux élans contradictoires. Si éprouvante qu’elle exige des haltes précipitées, pour pouvoir respirer. Si terrifiante qu’elle appelle une course effrénée, pour sortir du cauchemar.
    Telerama n° 3636, Marine Landrot, 18 septembre 2019, TTT
  • C’est, raconté à la première personne, le voyage au bout de l’enfer d’une de ces filles, Maryam, un personnage inventé par l’autrice mais qui parle au nom de toutes les victimes. Leur voix, leur cri […]. Dès les premières phrases, on est saisi.
    Le Point n° 2458, Marie-Françoise Leclère, 3 octobre 2019
  • Le sidérant pari que remporte la romancière irlandaise, amie de Robert Mitchum et de Philip Roth, consiste à offrir sa prose magnifique à ces lycéennes enlevées par les djihadistes de Boko Haram en 2014 […]. Edna O’Brien fait de Maryam une héroïne de mythologie.
    Elle n° 3849, Olivia de Lamberterie, 27 septembre 2019
  • En 250 pages pendant lesquelles le lecteur retient son souffle, le roman raconte à la première personne la tragédie hallucinée de Maryam […]. Un véritable condensé d’horreur, de révolte, mais aussi d’espoir et de résilience.
    Le Devoir, Christian Desmeules, 12 octobre 2019
  • De génération en génération et sous d’autres cieux, cette grande romancière ne cesse de réitérer sa hantise du rejet familial et social, dans une langue anglaise qu’on sent de haute maîtrise jusque dans la traduction.
    L’Humanité, Muriel Steinmetz, 24 octobre 2019

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