Littérature

Louis-Philippe Dalembert, Mur Méditerranée

Louis-Philippe Dalembert, Mur Méditerranée

Sabratha, sur la côte libyenne, les surveillants font irruption dans l’entrepôt des femmes. Parmi celles qu’ils rudoient, Chochana, une Nigériane, et Semhar, une Érythréenne. Les deux se sont rencontrées là après des mois d’errance sur les routes du continent. Depuis qu’elles ont quitté leur terre natale, elles travaillent à réunir la somme qui pourra satisfaire l’avidité des passeurs. Ce soir, elles embarquent enfin pour la traversée.
Un peu plus tôt, à Tripoli, des familles syriennes, habillées avec élégance, se sont installées dans des minibus climatisés. Quatre semaines déjà que Dima, son mari et leurs deux fillettes attendaient d’appareiller pour Lampedusa. Ce 16 juillet 2014, c’est le grand départ.
Ces femmes aux trajectoires si différentes – Dima la bourgeoise voyage sur le pont, Chochana et Semhar dans la cale – ont toutes trois franchi le point de non-retour et se retrouvent à bord du chalutier unies dans le même espoir d’une nouvelle vie en Europe.
Dans son village de la communauté juive ibo, Chochana se rêvait avocate avant que la sécheresse ne la contraigne à l’exode ; enrôlée, comme tous les jeunes Érythréens, pour un service national dont la durée dépend du bon vouloir du dictateur, Semhar a déserté ; quant à Dima, terrée dans les caves de sa ville d’Alep en guerre, elle a vite compris que la douceur et l’aisance de son existence passée étaient perdues à jamais.
Sur le rafiot de fortune, l’énergie et le tempérament des trois protagonistes – que l’écrivain campe avec humour et une manifeste empathie – leur seront un indispensable viatique au cours d’une navigation apocalyptique.

S’inspirant de la tragédie d’un bateau de clandestins sauvé par le pétrolier danois Torm Lotte pendant l’été 2014, Louis-Philippe Dalembert, à travers trois magnifiques portraits de femmes, nous confronte de manière frappante à l’humaine condition, dans une ample fresque de la migration et de l’exil.

Éditeur original : Sabine Wespieser

Prix de la langue française 2019
Choix Goncourt de la Suisse 2019

Critiques

  • Louis-Philippe Dalembert a choisi le point de vue féminin, décliné en trois visages, pour une démonstration éblouissante : la mue d’une femme en guerrière, en acier, en matériau si solide qu’au bout du compte aborder une planète est possible. Car ces femmes tiennent. Elles gagnent. Elles surgissent des flots méditerranéens, héroïques, prêtes pour une nouvelle vie, et pourtant l’écriture n’a rien cédé à la candeur.
    Marianne n° 1171, Clara Dupont-Monod, 23 août 2019
  • Louis-Philippe Dalembert donne une version de l’épreuve délivrée de tout apitoiement. Il raconte ce qui n’est pas écrit […]. Dalembert a écrit une œuvre essentielle. Avec lui les réfugiés ont un visage et trouvent, avant tout, un destin.
    L’Humanité, Muriel Steinmetz, 5 septembre 2019
  • La force de ce roman, sa puissance d’évocation viennent de la volonté de l’auteur d’inscrire cette tragédie dans la littérature, pas ce genre de roman qui s’apitoie sur les victimes, mais un roman qui fait réfléchir et nous rend ces personnages si proches.
    Le Point, Tahar Ben Jelloun, 17 août 2019
  • Avec un évident art de conteur et un style savamment rythmé, l’auteur s’attache à ses personnages, souligne leurs singularités et, tout en saisissant la réalité politique de régions pétaudières, capte leurs désirs, leurs désillusions et leur énergie.
    Lire n° 479, Baptiste Liger, octobre 2019
  • Les trois personnages féminins de Louis-Philippe Dalembert, dans son nouveau roman, Mur Méditerranée, racontent des vies qui disparaissent souvent derrière des chiffres, des titres de presse et des bandeaux de chaînes d’information en continu.
    Politis n° 1576, Hugo Boursier, 7 novembre 2019
  • « Mur Méditerranée » avance au galop, porté par la plume de l’écrivain haïtien, tantôt élégante, tantôt familière comme pour nous rendre les personnages plus proches. Jamais le romanesque ne cède le pas à la réalité dans un livre poignant et terriblement bien documenté.
    La Croix n° 41557, Corinne Renou-Nativel, 14 novembre 2019
  • Louis-Philippe Dalembert décrit minutieusement la violence insigne des routes migratoires, l’ignominie des passeurs, le racisme, les extorsions, les abus, les viols, les meurtres… Pas besoin de savoir que ce roman est inspiré d’un fait réel – le naufrage d’un bateau clandestin secouru par le pétrolier danois Torm Lotte, en 2014 – pour ressentir au plus profond de soi à la fois les souffrances des protago­nistes et leur farouche volonté de vivre.
    Jeune Afrique n° 3072, Nicolas Michel, 23 novembre 2019

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