Dans le sillage des « Pensées de Pascal » citées en exergue, Bleuets est un objet hybride quelque part entre l’essai, le récit, le poème. Deux cent quarante fragments composent cette méditation poétique, intime et obsessionnelle autour d’une couleur, le bleu. Le deuil, le sentiment amoureux, la mélancolie sont autant de thèmes chers à Maggie Nelson ici abordés dans une maïeutique convoquant l’art et la beauté entre deux digressions introspectives ou savantes, des fantasmes de l’auteure à des approfondissements autour de la pensée de Platon ou de Goethe, en passant par l’œuvre d’un Warhol ou d’un Klein ou la musique de Leonard Cohen. Laissons-nous séduire par cette déclaration d’amour fou à une couleur, un livre à ranger précieusement entre les Fragments d’un discours amoureux de Roland Barthes et Notre besoin de consolation est impossible à rassasier de Stig Dagerman.
« Et si je commençais en disant que je suis tombée amoureuse d’une couleur. Et si je le racontais comme une confession ; et si je déchiquetais ma serviette en papier pendant que nous discutons. C’est venu petit à petit. Par estime, affinité. Jusqu’au jour où (les yeux rivés sur une tasse vide, le fond taché par un excrément brun et délicat enroulé sur lui-même pareil un hippocampe), je ne sais comment, ça a pris un tour personnel. »
Éditeur original : Jonathan Cape
Éditeur en français : Sous-Sol
Critiques
- L’auteure confirmée n’étonne donc guère lorsqu’elle affirme puiser dans ses obsessions l’indispensable matière à son entreprise littéraire. Première d’entre elles : le bleu, qui a engendré Bleuets, un assemblage de fragments de vie et pensées autour de la couleur chérie et d’un amour déçu.
Libération n° 11902, Florian Bardou, 10 septembre 2019 - L’opus n’a certes pas grimpé au sommet des classements des meilleures ventes, mais il a depuis dix ans ses lecteurs fervents et prosélytes, et a été classé en 2015 par le très sélect magazine new-yorkais Bookforum parmi les dix meilleurs livres des vingt dernières années.
Telerama n° 3633, Nathalie Crom, 28 août 19 - Un petit livre de cent dix pages à peine, constitué de deux cent quarante fragments, qui sont autant de variations sur le deuil, le sentiment amoureux, la mélancolie […]. C’est aussi une déclaration d’amour, la narratrice faisant souvent allusion à celui qui l’obsède, ce « prince du bleu » avec lequel elle n’est plus.
Les Inrockuptibles n° 1241, Yann Perreau, 11 septembre 2019 - Sous son air bien rangé, ce petit livre bleu échappe à toute classification […]. Pour les livres hybrides qu’elle écrit, mélanges de narration intime, de réflexion philosophique et critique, elle a inventé un mot : « autothéorie ».
Le Monde n° 23214, Camille Laurens, 30 août 2019 - Plus qu’un traité sur les couleurs comme Goethe en signa avant Michel Pastoureau, « Bleuets » s’impose comme une façon libre de parler de soi et du spleen. […] Le tout se savoure avant de s’évaporer avec grâce, une fois le livre refermé, telle la vue éblouissante du grand bleu au retour d’une croisière.
Le Point n° 2455, Claude Arnaud, 19 septembre 2019 - Le sacré et le profane, la maladie et l’espoir, alternent dans des chapitres courts, égrénés comme des petits cailloux sur la voie d’une possible consolation. Des fragments d’un discours malheureux cousus d’un fil bleu qui, point après point, suture la blessure.
L’Obs, Elisabeth Philippe, 26 septembre 2019
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