Littérature

Joyce Carol Oates, Un livre de martyrs américains

Joyce Carol Oates, Un livre de martyrs américains

2 novembre 1999. Luther Dunphy prend la route du Centre des femmes d’une petite ville de l’Ohio et tire sur le Dr Augustus Voorhees, l’un des « médecins avorteurs » de l’hôpital.

De façon remarquable, Joyce Carol Oates dévoile les mécanismes qui ont mené à cet acte meurtrier : Luther Dunphy est à la fois un père rongé par la culpabilité et un mari démuni. Pour ne pas sombrer, il se raccroche à son église, où il fait la rencontre décisive du professeur Wohlman, activiste antiavortement. Bientôt, il se sent lui aussi investi d’une mission divine, celle de défendre les enfants à naître, peu importe le prix à payer y compris sa future condamnation à mort.

Dans le virulent débat sur l’avortement, chaque camp est convaincu du bien-fondé de ses actions. Mené par des idéaux humanistes, Augustus Voorhees a consacré sa vie à la défense du droit des femmes à disposer de leur corps. Les morts des deux hommes laissent leurs familles en état de fragilité. En particulier leurs filles, Naomi Voorhees et Dawn Dunphy, obsédées par la mémoire de leurs pères.

Joyce Carol Oates offre le portrait acéré d’une société ébranlée dans ses valeurs profondes. Sans jamais prendre position, elle rend compte d’une réalité trop complexe pour reposer sur des oppositions binaires. Entre les fœtus avortés, les médecins assassinés ou les « soldats de Dieu » condamnés à la peine capitale, qui sont les véritables martyrs ?

Un roman d’une rare puissance, une question qui déchire avec violence le peuple américain.

Éditeur original : Fourth Estate
Éditeur en Français : Philippe Rey

Critiques

  • C’est mal connaître Joyce Carol Oates que d’imaginer trouver dans « Un livre de martyrs américains » un face-à-face simpliste et douteux […]. L’écrivaine tient à bout de bras et dans ses bras chacun des personnages, même ceux dont on imagine qu’ils lui sont étrangers, comme l’assassin.
    Le Monde n° 23220, Lola Lafon, 6 septembre 2019
  • Deux récits d’apprentissage, lignes parallèles qui se rejoignent miraculeusement – magnifiquement – à la toute fin du livre. Comme souvent chez Oates, les personnages doivent travailler dur pour s’inventer un destin loin de la tache originelle.
    Le Figaro n° 23345, Astrid Eliard, 5 septembre 2019
  • Dans les 860 pages de « Un livre de martyrs américains », elle fait avant tout un état des lieux de la société américaine actuelle, le portrait d’un pays totalement divisé […]. On suit l’auteure pas à pas dans cette plongée intime.
    Lire n° 478, Josyane Savigneau, septembre 2019
  • Joyce Carol Oates accorde à l’art américain de la guerre religieuse le traitement qu’elle réserve à toutes les tares de cette société : une autopsie sans filtre, sans appel, sans jugement, dont elle célèbre les innocents. Un roman magistral, loin des révoltes éphémères et de la pensée rétrécie.
    Elle n° 3847, Flavie Philipon, 13 septembre 2019
  • Son portrait hyperréaliste d’une société inégalitaire écorne le tableau de la famille idéale à la Norman Rockwell […]. une fiction à la fois politique et intimiste, dans laquelle s’imbriquent documents, actes de procès, témoignages, conversations téléphoniques, aveux tardifs et non-dits. Cela engendre une lecture active qui désarçonne, interpelle, émeut, bluffe.
    L’Echo, Sophie Creuz, 20 septembre 2019
  • Un livre de martyrs américains cristallise quelque chose d’intime, de littéraire, de politique et de furieusement contemporain.
    Libération n° 11924, Thomas Stélandre, 5 et 6 octobre 2019
  • À partir de cette violente scène inaugurale, le roman se déploie, sur plus de huit cents pages tout ensemble efficaces, denses et intensément polyphoniques, dans deux directions chronologiques. […] La précision et l’empathie avec lesquelles Oates s’empare de chacun des personnages et lui donne voix, la complexité et les contradictions qu’elle introduit dans leurs personnalités, permettent que le schisme originel de la société américaine s’incarne véritablement, cristallisé par la question de l’avortement.
    Telerama n° 3640, Nathalie Crom, 16 octobre 2019
  • Au fil des 860 pages du roman, la romancière fera alterner les points de vue, dans une focalisation souvent très rapprochée, mesurant l’onde de choc de cette tragédie qui se déploie de tous les côtés. Plus qu’un face-à-face sans pitié entre deux personnages et deux visions du monde opposés, loin même de tout manichéisme, le roman de Joyce Carol Oates explore cette complexité, cette humanité dirait-on. Et c’est ce qui en fait la grande force.
    Le Devoir, Christian Desmeules, 1er novembre 2019
  • Joyce Carol Oates, 81 ans et 60 romans, se passionne pour la boxe depuis l’adolescence. Et retient rarement ses coups. La description détaillée, aux deux tiers de son « Livre de martyrs américains », de l’exécution par injection létale de l’un de ses personnages principaux n’est que l’un des nombreux uppercuts d’un roman qui, la dernière page tournée, laisse son lecteur brisé, pantois, dans les cordes. […] Redoutablement efficace, la mécanique narrative balaie en bulldozer l’hypocrisie, les faux-semblants, et jusqu’aux certitudes du lecteur. Un grand Oates.
    Le Nouveau Magazine Littéraire, Fabrice Colin, novembre 2019, 4/5
  • Simplement, pour occuper 850 pages, cela passe aussi par beaucoup de ralentis presque cinématographiques et de ressassements éprouvants. Et on se dit que Joyce Carol Oates, parfois, pourrait prendre le temps de faire des livres un peu moins longs.
    L’Obs, Grégoire Leménage, 20 novembre 2019

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